L'amour du sport

Publié le par Lily

 

 

Goûter à la fatigue et au pouvoir du corps, sentir son corps dans l’effort, l’effort dans le corps, la force dans son corps. Mens sana in corpore sano. Rien n’est plus vrai dans la tourmente des rencontres. Parce qu'on ne fait plus illusion face à soi, on connaît ses limites, on se doit d'être honnête avec soi, on se doit de donner justement, de bien gérer son souffle pour ne pas s'effondrer à la longue; on apprend la résistance, la patience, la gestion.

Et c'est ce que je me dis quand je sue et dégouline sur mon tapis, ou que je sens la selle du vélo me déchirer le derrière. Lutter avec son corps, c'est noble :-), c’est lutter avec soi et contre soi, se découvrir des limites, les dépasser, s’en créer de nouvelles, les repousser encore, et puis s’abandonner un peu à la mécanique du corps pour sanctifier celles de l’esprit. Amen!

Ah! Ce confortable effort, cette légitimité et la fierté puisée dans « Faut que j’aille au sport », chaque jour, régulièrement, sans relâche.

Cette habitude qui est effort, si dure à maintenir, et si douce à porter, le balancement entre l’abandon et la discipline, mais parce que c’est bon, pas parce qu’il le faut, goûter à l’effort, le goût de l’effort, ce/se laisser-aller au bon vouloir du corps, ce besoin de mouvement et de mécanique, cette mécanique (qui ne devient jamais de l’automatisme ?).

Et sentir le temps ! Comme beaucoup, je le mesure à l'aulne des tubes diffusés par mon ipod. : "Beggin! Beggin' yououou!"
Là souvent le temps s'arrête, et puis soudain, il fuse, et on ne le sent plus, le plaisir seul est là, l’éclat d’un vrai bonheur, un moment de bonheur, où l’éclat de rire est au bord du cœur, au bord du mouvement, dans la poursuite de l’effort, de l’élan, du souffle, dans celui du mouvement parfait, de la chorégraphie, du défit, du défit aux autres et à soi. Une passion qu’on n’imaginait pas, qu’on ne peut plus ignorer, qu’on ne sait que vivre à dose quotidienne. Le sport devient thérapie. Un moyen de contrôle. Et c'est là que ça peut déraper, j'en connais pour qui le sport est un moyen de contrôle. Moi, je ne peux pas avoir cette prétention ; je viens d'apprendre à courir ; avant, je ne faisais que marcher. Le sport, ça me fait juste me sentir bien dans mes baskets.
Et puis j'ai abandonné la salle de sport renfermée pour un parcours de santé près de la mer, et là, je gobe parfois des moucherons, quitte à m'étouffer, mais j'apprécie plus encore l'air qui passe dans mes narines et s'injecte dans mon cerveau. Un délice, agrémenté parfois par la conversation saccadée de mes copines de tortures, celles qui parfois se disent "j'y vais". Venez! On se fait des thérapies, c'est une "ladiesroom" en plein air, un pur bonheur.
Et c'est la suite logique de mon psychologue, lol.

 

 

Un esprit sain dans un corps sain

Gérard Apfeldorfer 

 

 

 

Il était une fois une jeune femme qui s’appelait Zoé et qui n’était pas la personne qu’elle aurait dû être. Comme elle était intimement persuadée que nous sommes ce dont nous avons l’air, la solution à son problème était simple : il lui fallait modeler son apparence pour devenir celle qu’elle voulait être. Zoé avait donc commencé par "relooker" son studio, sa voiture, son chien, ses vêtements et accessoires, son maquillage et sa coupe de cheveux, pour les mettre en conformité avec le modèle d’elle-même qu’elle chérissait au fond de son cœur. Mais c’était surtout le corps qui n’allait pas : elle était affublée d’une silhouette démodée, qui aurait sans doute fait l’affaire au début du siècle précédent, mais qui ne convenait guère à notre époque et à notre climat.

Pour commencer, elle fit une diète protéinée afin de perdre son gras inutile, qu’elle associa à deux séances hebdomadaires d’abdo-fessiers et à trois de "muscu". L’aquagym lui permit d’obtenir un muscle bien fuselé, tandis que la pratique de la salsa une fois par semaine lui conféra du pep. Comme Zoé aspirait à être une personne volontaire, dynamique, et dotée d’un brin de malice, elle demanda donc au chirurgien de lui faire un menton volontaire et dynamique, et des seins malicieux.

Bien sûr, il lui faudrait, par la suite, entretenir son investissement et, au besoin, faire des cures amaigrissantes, de la thalasso régénérante, gommer ses rides, retendre sa peau. Certains parvenaient ainsi à garder un corps de 20 ans durant trente, quarante ans, voire davantage encore.

Mais le corps n’est pas tout, se dit Zoé, qui n’était point sotte. Elle poursuivit donc le travail sur sa personne en faisant une psychothérapie, afin d’avoir un mental qui pense droit. Et comme un peu de religion ne pouvait pas faire de mal, elle s’octroya régulièrement de petites retraites dans un couvent bénédictin sur ses RTT. Zoé n’était pas mécontente : elle était l’œuvre de sa vie, avait sculpté son corps, son mental et, grâce à son tempérament artistique, ils étaient devenus parfaitement représentatifs de la personne qu’elle souhaitait être. Restait maintenant à trouver un homme assorti et sa vie pourrait commencer.

Tout, oui, tout était sous contrôle. La maladie, la vieillesse qui pouvaient détériorer son bel ordonnancement ? Il suffisait d’éviter la pollution, de manger sain, de boire sain, de penser sain, de vivre sain et, alors, on ne mourait pas, ou presque. Bienvenue au XXIe siècle !

PS : Ah, j’oubliais ! J’ai rencontré Zoé, reine de la maîtrise, après sa deuxième dépression, causée par son troisième lifting raté et qui lui avait fait prendre vingt kilos.

Psychiatre et psychothérapeute, spécialiste des troubles du comportement alimentaire, Gérard Apfeldorfer est l’auteur, entre autres, de “Maigrir, c’est dans la tête” (Odile Jacob, 2001).


février 2002

 

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