Attraction fatale... Viens t'asseoir sur moi.

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Comment expliquer l’engouement qu’elle a ces derniers temps pour moi ? Comment expliquer que moi seul ai droit au contact des parties les plus charnues (hé hé !) de son anatomie ? Comment comprendre pourquoi elle délaisse l’autre grand truc à deux places pour l’étroitesse de mes étreintes nocturnes ?


Elle fuit son lit, sa chambre, pour se lover dans mes bras
. Là, en amant exigeant, Morphée nous rejoint souvent. J’accepte, je ne suis pas jaloux. Elle se repose tellement sur moi ! Il faut dire que j’ai a un argument  de choc, puisque c’est face à moi que se trouve l’hypnotiseur cathodique, le bel écran LCD. Pour l’achever, il faut dire qu’elle a aussi investi dans l’abonnement à la parabole. C’est ainsi qu’elle est devenue accro non seulement aux séries et aux documentaires populaires (Desperates Nanas, FBI machin, Extraordinary trucs) mais aussi et surtout à Môa!


Je n’ai pourtant rien d’exceptionnel, en tant que canapé. Au contraire, elle dit même que je suis dramatiquement moche (Elle me fait de la peine, quand elle dit ça à ses copains, pour s’excuser de n’avoir pas mieux à leur présenter pour poser leur derrière ; je me tasse alors davantage).
S’il faut tout vous avouer, je suis plus un clic-clac qu’elle a habillé d’une jolie jetée, qu’un canapé digne de ce nom. D’ailleurs, oserais-je aussi vous le dire ? Mon matelas avachi est soutenu par des cartons qu’elle a rempli de vieux vêtements. Le tout planqué sous un magnifique couvre-canapé.


Oui, j’ai honte. Pire encore, je ne suis pas vraiment LE SIEN, de canapé. Je ne suis pas vraiment SON canapé… Elle loue mes services : elle habite un meublé à longueur d’année… Pourquoi un meublé? Pour se croire perpétuellement en vacances, pardi ! Moi, ça fait des lustres qu’on me loue avec cette sorte de petit chalet estival…

Ce n’était pas prévu, mais elle murmure qu’elle est tombée amoureuse de ma petite case en bois sous tôle qu’elle a visité il y a presque un an. C’est vrai qu’elle est charmante, ma maison, avec ses deux terrasses en caillebotis superposées, son jardin luxuriant où trois robustes manguiers et leurs branches feuillues ont soin de ne rien laisser voir aux voisins. Elle était louée avec moi et mes autres potes, tous des meubles qui font bien leur boulot, même s’ils ont un peu vécu ; ça tombait bien, elle n’en avait pas tant que ça, des meubles, puisqu’elle avait fui le domicile conjugal il y a quelques années avec quasiment pour seul bagage son Tibou sous le bras. Lui, il a cinq ans, il m’en fait voir, il me saute dessus à pieds joints dès qu’elle tourne le dos. Il me casse les reins. Mais pas facile pour elle d’avoir l’œil sur tout. A la voir, on dirait qu’elle a en plus toute une série de domestiques à ses ordres, elle ne range pas, elle « fourre », elle ne dépose pas, elle « jette » ; ce qui fait que son lit est rempli de vêtements (elle adore ça, les vêtements, elle en a plein deux vieilles armoires que lui a donné sa grand-mère et qu’elle a ramenées en même temps qu’un bureau Louis XVI de petite fille sage). C’est tout.


Ah, elle m’aime, ça, elle me le prouve tout les soirs, il n’y en a que pour moi, une fois que son fils est couché.

Avec mes coussins rayés, mon asseoir que je lui fais tout moelleux, mon tissus sensuel et matelassé qu’elle caresse voluptueusement, je suis devenu « The Best » ! Le meuble le plus important de la maison. Grâce à elle, je  fleure bon le propre et le repos. C’est moi qui reçoit ses pleurs, ses confidences, ses chagrins, ses écrits, c’est moi qui ploie avec elle sous le poids des responsabilités. Je tressaille aussi sous les éclats de rire de ses amis, je tremble devant le suspens des soirées DVD, me salis sous les doigts plein de chocolat de Tibou. C’est à moi qu’elle lance des regards de désir alors qu’elle est assise toute raide à son bureau de fillette ; des regards brûlants, elle me veut, je le sais ; quand le soir descend, elle n’a plus qu’un seul désir, s’étendre sur moi, et que je la prenne dans mes bras.


Oui, elle sait prendre soin de mon vieux dos fatigué, elle a des égards pour mon grand âge. Je suis sûr qu’elle préfère les vieux !
Quand il s’avère que j’ai trop subi, elle me dépoussière, me secoue, elle lave mes jetées, me rhabille, me lisse, me redresse, je redeviens accueillant, intimiste, rien qu’à elle. J’aime nos tête-à-tête. 

Elle n’a plus besoin d’excuses pour se lover tout contre moi. Pas besoin de laisser son lit à une amie de passage, à un couple en goguette. Ce sont désormais ses vêtements qui occupent son lit (Ben oui mon grand, j’ai du charme, on ne se refait pas). Sa chambre est devenue une buanderie. J’ai désormais toutes ses nuits.


Mais ma vie va bientôt changer, j’ai peur, elle va me quitter… Elle dit qu’elle va construire sa maison, qu’elle va devoir aussi acheter de nouveaux meubles, investir une nouvelle vie. Pour l’achat du nouveau canapé… Elle le voudrai rouge, c’est tout ce que je sais. Et alors, c’est moi qui vois rouge, quand elle dit ça.  J’en crève ; une jetée rouge, ça ne ferait pas l’affaire ?
Il y a un truc qu’elle dit aussi, et alors, je me sens un peu moins vieux et fatigué. Je me sens tout revigoré, mes ressorts se tendent de plaisir. C’est qu’elle a peur de ne pas trouver un aussi bon canapé. Elle envisage de me racheter à mon irascible propriétaire, moi, mes ressorts grinçants et mon matelas fatigué… Je sais ce que vous allez réponde à ça ; que c’est une « jetée » … De canapé. 

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P
J'ai adoré ce texte, très vivant et je ne verrais plus jamais mon canapé de la même façon oO <br /> En tout cas, je tiens a te souhaiter la bienvenue dans la communauté de Songes de plumes, n'hésite pas à me contacter pour le moindre soucis ! <br /> Bises.
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L
<br /> Merci Padidu, de nous accueillir, mes textes, mes dessins et moi... Je ne suis pas très régulière, en ce moment, je suis en vacances... Je n'hésiterai pas, en cas de questions,<br /> bises<br /> <br /> <br />